Pour débuter l’année 2016, c’est Isabelle d’Iléoudoudou, une touche à tout qui a souhaité répondre à mes différentes questions.
Bonjour, Isabelle, qui es-tu ?
Je suis une Mompreneur de 43 ans. J’ai deux enfants que j’ai eu dans le courant de la trentaine, après un parcours universitaire et professionnel riche et diversifié. J’ai un DEA d’Histoire et Archéologie des Mondes Antiques et un DESS de Gestion et Aménagement des Stations touristiques. J’ai même commencé une Thèse en Anthropologie Antique que j’ai dû abandonner pour pouvoir mener la vie de femme et de maman à laquelle j’aspirais. Peut-être un jour reviendrai-je vers la recherche archéologique (ou autre). On peut le faire à tout âge. Fonder une famille c’est plus compliqué à 60 ans qu’à 30 !
Professionnellement j’ai touché à de nombreux secteurs liés à la communication : organisation d’évènements, webmastering, édition de comptes rendus de colloques, création graphique, etc. J’ai eu des postes très variés. J’ai même été RAF dans l’administration. C’est à ce poste que j’ai fait mes premières armes en gestion et comptabilité.
J’ai aussi été très active sur Internet de 1999 à 2005 dans le milieu des jeux en ligne multimassifs (ceux où des milliers de joueurs se retrouvent dans un même monde virtuel). Ca n’était pas une expérience professionnelle à proprement parler mais j’y ai appris beaucoup et j’y ai connu des aventures tout à fait exaltantes. La plus cocasse a sans doute été un micro trottoir dans un jeu dont le thème était l’Egypte des pharaons.
Au cours de toutes mes expériences professionnelles ou bénévoles, en France ou à l’étrangers (Grèce, Canada, Suisse, Irlande), je me suis enrichie de connaissances et de compétences qui m’ont été utiles pour mon projet entrepreneurial.
Quel est le déclencheur qui a fait que tu es effectué un aussi grand écart entre ta formation et ton activité ?
Vous prenez 3gr de maternité, 5gr de compétence en programmation web et 2gr de hasard. Je me suis intéressée à la question des sos doudous parce que j’avais offert un doudou en coffret avec un parfum pour la naissance de mon neveu. Ma belle-sœur avait été embêtée car, pour racheter le doudou, elle devait racheter le parfum… Au final elle a trouvé le doudou sur le site Inspecteur Doudou qui est sans doute le plus ancien SOS doudou du web français.
Comme j’habitais dans le Nord et que je venais d’avoir un bébé, mon passe-temps favori était de courir les braderies pour lui acheter des jouets d’éveil. L’immobilier coûte cher dans le nord, donc quand vous avez une petite maison, vous ne pensez qu’à une chose « faire de la place ». Résultat, sur les braderies, les prix sont très très bas. Rien de comparables aux vide-greniers du Périgord !
C’est là que j’ai commencé à me faire une collection de doudous. J’ai créé un album doctissimo où je les proposais à tout petit prix. C’était plus un hobby qu’une source de revenus. C’était très gratifiant car ça rendait service aux parents en galère.
J’avais à l’époque un autre projet : une eboutique de puériculture. Je ne l’ai pas mené à bien pour plusieurs raisons :
J’habitais dans le Nord et ma maison était un peu petite pour accueillir le stock. Quand je vois le volume de mon stock de doudous aujourd’hui, je me dis que c’était complètement fou de vouloir me lancer sans véritable espace de stockage…
La mise de fond pour lancer le projet était à peu près ce que nous avions en économies car nous avions acheté la maison un an auparavant.
Je souhaitais un deuxième enfant rapproché du premier et mes grossesses sont 9 mois de grosse fatigue.
Finalement, après un deuxième enfant et un déménagement dans le Pérgord, je me suis installée comme webmaster indépendant et un an plus tard j’ai lancé la boutique de doudous. Aujourd’hui c’est mon activité principale.
Après avoir pris ta décision, quelles difficultés as-tu rencontrées et comment y as-tu fait face ?
Je crois que la toute première difficulté a été le frein psychologique. Dans mon entourage, on ne croyait pas trop à mes projets sauf un de mes oncles qui est lui-même entrepreneur et qui m’a poussée à m’installer à mon compte. Mes parents et mon compagnon avaient sans doute peur que je n’y arrive pas et que je sois déçue, que je perdre du temps, de l’énergie et éventuellement de l’argent dans cette aventure. Ce risque existait bel et bien mais je crois qu’ils sous-estimaient aussi mes capacités. Difficile de se sentir capable de marcher quand vos parents ont peur de vous voir tomber !
La deuxième difficulté était financière. Quand j’ai lancé ma boutique de doudous, j’ai mis dans ma boutique des doudous de ma collection perso constituée sur les braderies du Nord et des doudous que j’ai achetés en soldes chez Kiabi et la Halle, l’été où j’ai créé la boutique. J’ai démarré avec 1000 euros. Puis j’ai réinvesti tous les bénéfices dans le stock pendant au moins 2 ans. Je n’aurais jamais pu faire ça sans un conjoint qui avait un salaire suffisant pour subvenir aux besoins de notre famille. Nous ne sommes pas très dépensiers mais quand même !
Bénéficies-tu d’un accompagnement et si oui, lequel ?
Lors de mon premier projet j’avais bénéficié d’un accompagnement de la BGE et je recommande chaleureusement cet acteur incontournable de la création d’entreprise. C’est entre autres grâce à eux que j’ai senti les limites de mon premier projet. Ce qu’ils m’ont appris m’a servi dans mon deuxième projet. En Périgord, lors de la création de mon entreprise, j’ai rencontré une conseillère de la CCI. C’était intéressant mais pas comparable au travail de la BGE.
Maintenant, je n’ai pas vraiment d’accompagnement mais je demande souvent conseil à mon comptable pour certains choix stratégiques. Je lui ai posé des questions comme « combien est-il pertinent d’avoir en trésorerie ? » ou « A partir de quel moment devrai-je considérer que j’ai trop de stock ? ». Ce que dit votre comptable n’est pas parole d’évangile et il ne voit que l’aspect finance et gestion mais il a au quotidien sous les yeux les situations de centaines d’entreprises. Ces mises en garde sont toujours bonnes à entendre !
Parles moi de ton entreprise, qui sont tes clients, les services que tu peux apporter aux clients, quels doudous se vendent le mieux (lapin, ours, etc…) As-tu déjà eu des demandes particulières, si oui lesquelles ?
Au départ, iléoudoudou était un SOS doudou et l’ergonomie de la boutique obéit à cette problématique. Cependant, je me suis rapidement rendue compte que certaines commandes étaient des achats classiques de doudous en vue d’une naissance. Nous avons même des clients qui reviennent dans notre boutique pour tous leurs achats de doudous pour des naissances.
Aussi nous avons commencé à adapter notre offre en faisant aussi les collections en cours des principaux fournisseurs avec qui nous travaillons en direct. Si nous l’avions fait dès le départ, ça n’aurait pas aussi bien marché que maintenant car avec les volumes que nous avons, nous commençons à bénéficier de tarifs qui nous permettent de vendre au prix conseillé par le fabricant. Nous sommes devenus concurrentiels sur les prix et nous avons un choix extraordinaire.
L’atout que nous avons face aux très grosses boites, c’est notre accessibilité. Nous sommes une TPE. Nous répondons très vite aux email et nous répondons aussi aux demandes par téléphone. Parfois les clients nous appellent juste pour un conseil.
Ce qui se vent le mieux en matière de doudous, ce sont les lapins et les éléphants. En fait ce sont les animaux les plus souvent adoptés par les enfants. Les adultes offrent souvent des ours ou des lapins mais en sos doudou ce sont les lapins qui sont le plus demandés. Normal, le lapin a de longues oreilles. De même l’éléphant a une trompe et de grandes oreilles. Il est amusant d’observer les décalages entre les choix des adultes et les choix des enfants !
Comment gères tu ton planning par rapport à ta vie familiale ?
Quand j’ai fait le choix de m’installer à mon compte, c’était avant tout un choix de maman. Ma fille avait moins d’un an et deux alternatives professionnelles se présentaient à moi :
me trouver un poste correspondant à mon profil. En gros, un poste de cadre, faire probablement 45 mn de route pour aller au boulot le matin et ne pas compter mes heures.
me lancer à mon compte avec une activité me permettant de rester à la maison
Mon conjoint avait déjà un poste avec une forte amplitude horaire. Je n’avais pas du tout envie (et lui non plus) de mettre mes enfants en nourrice 8 à 10 heures par jour. Donc nous avons opté pour la deuxième option.
Les conséquences sur la vie de famille sont une maman toujours dispo pour aller chercher un des enfants à l’école s’il ne se sent pas bien. En revanche, c’est parfois agaçant pour les enfants de me voir travailler le soir, parfois le week-end ou quand ils sont eux en vacances.
Un autre point positif c’est qu’ils ont une idée assez précise de ce qu’est mon travail au quotidien.
Quelles difficultés as-tu dans le fait de travailler à la maison ? Comment y pallies-tu ?
Il est difficile de se déconnecter du travail. La seule solution prendre des vacances ou partir le week-end.
Te sens-tu une âme d’entrepreneuse après ces 3 ans et demi de création de Iléoudoudou ? Pourquoi ?
J’ai toujours eu envie d’essayer et j’aime l’idée de construire quelque chose. Plus jeune j’adorais les jeux de gestion où on gère une entreprise, un club de foot, un état, etc. Je me suis toujours dis que ce serait bien de « jouer pour de vrai ».
As-tu des projets pour 2016, si oui, lesquels ?
Consolider financièrement mon entreprise, lancer une nouvelle e-boutique et essayer de me payer plus régulièrement.
Si tu avais un ou des conseils pour une future créatrice d’entreprise, ça serait quoi ?
Le conseil le plus pertinent que j’ai reçu lors d’une formation à la création d’entreprise : ne pas grandir trop vite. En commençant modestement et en progressant à un rythme régulier mais pas sauvage, vous prenez moins de risques et vous avez le temps de vous adapter, d’adapter votre organisation familiale, l’organisation de votre entreprise et de mûrir vos choix stratégiques.
Le mot de la fin !
Entrepreneuriat est une expérience très intéressante. Comme pour toute autre activité professionnelle, ce doit être une sorte de vocation. Quelqu’un qui se lance juste pour gagner de l’argent a peu de chances de réussir car il y a aussi pas mal de sacrifices à faire. Souvent plusieurs années à se serrer la ceinture, à ne pas prendre de vacances ou à passer proche du Burn Out. Et puis c’est un engagement. Pour arrêter la partie, il ne suffit pas d’éteindre l’ordinateur. Quand on en a marre, on ne peut pas juste démissionner. Nous ne sommes pas toutes faites pour cette vie-là. Je suis une touche à tout.
Dans certains postes que j’ai occupés comme salariée, je me suis très vite ennuyée. J’ai besoin de nouveaux défis, d’aller voir ce qu’il y a de l’autre côté de la colline, puis derrière celle d’après. Cette expérience correspond à ce à quoi j’aspire actuellement mais je ferai peut-être tout autre chose dans 10 ans. Si l’entreprise tourne bien, je déléguerai la gérance. Je n’écarte pas l’idée de partir à nouveau vivre une vie d’expat ou de créer autre chose dans un tout autre domaine car je m’intéresse aussi beaucoup à l’économie sociale et solidaire.
Bref tant que j’ai des projets c’est que mon cerveau est vivant, à moins ce que ce ne soit le contraire 😉
Merci, Isabelle pour cette interview très intéressante qui montre que l’on peut réussir dans l’entrepreneuriat mais qu’il faut du temps et de la pugnacité ! Bon courage pour la création de ta future e-boutique. Vous pouvez retrouver les doudous d’Isabelle sur son site et sur sa page Facebook.
Retrouvez aussi Isabelle sur son blog perso.